La crise existentielle de Jason est devenue au fur et à mesure des mois, des années de création, ma crise existentielle.
La performance Médée Vision de Alessia Siniscalchi que nous avons joué au théâtre Bellini de Naples est une réinterprétation actualisée du mythe à partir de différentes versions classiques et contemporaines du texte de Médée.
La structure formelle de la performance est à la fois solide, fragmenté et fragile : le résultat d’un travail basé sur l’instinct de chaque artiste qui engage l’espace (à l’occurrence un théâtre) dans lequel la tragédie du geste du matricide se consomme.
Tout est LIVE, la musique joué par le compositeur, les lumières, les interventions du photographe qui shoote des milliers de photos et les acteurs qui dialoguent avec des dessins géants… tout est LIVE.
Cette performance dans laquelle je joue le personnage de Jason m’as permis de mûrir ce que j’ai envie d’explorer en ce moment avec le langage de la photo. C’est éprouvant de mélanger autant de disciplines si exigeantes et précises, surtout parce qu’on ne pourra jamais être sûr du résultat. La liberté n’est qu’une illusion, il faut humblement se confondre à ce chaos qui ouvre la possibilité du sublime, mais en étant conscient que ce n’est qu’une possibilité. Cette création m’as appris à faire avec ce que j’ai au moment où la performance vit. Depuis, mon regard photographique vise la confusion et cette possibilité du sublime.
Je ne prends pas l’appareil photo pour voler un instant mais pour construire activement une image avec mes interlocuteurs… je mets en pose mes sujets, je les fatigue et je leur sors une émotion, je mélange la mise en scène typique pour réaliser une fiction (cinéma ou théâtre) avec la réalisation d’une image fixe. Surtout j’essaie de créer des expériences, de rechercher une forme qui reflète une émotion exacerbée. Une émotion qui emmène ailleurs mes sujets et qui, cristallisé sur la pellicule, puisse emmener ailleurs aussi le spectateur.
Entendons-nous bien: je fais de la photographie, ce n’est pas un acte performatif, mais j’utilise ce langage pour dessiner une réalité imaginaire, connecté à la vie réelle par un fil très fragile, en essayant d’effilocher le plus possible ce lien.
Je ne sais pas si je reviendrai sur cette conviction en laquelle je crois actuellement mais j’ai remarqué que beaucoup d’artistes ressentent le besoin de passer de l’image fixe à l’image en mouvement… je ne suis pas d’accord.
Quand l’image fixe est le résultat d’une expérience passé et quand elle est capable de mettre son spectateur face à sa propre intimité, elle suffit. Elle touche ainsi les cordes du sublime.