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I Fiori Nel Cemento


I fiori nel cemento est une série de 9 photos représentants des portraits d’artistes en noir et blanc. L’idée m’est venue quand j’ai participé à des ateliers de recherche au mois de novembre 2015 à l’université de Paris 8 sur les formes atypiques du meurtre en série en partant de la réflexion du criminologue canadien Robert Ratner.

Ce dernier considère l’homicide en série comme un assassinat idéologique, qui est aussi à la base de la philosophie terroriste. Il y eut d’abord l’intervention d’un philosophe italien, Francesco Fornari, avec lequel nous avons analysé plusieurs tueurs en série très connus, notamment Jack l’éventreur et nous montra un livre de photos de ses victimes.

J’ai été touché par l’une d’entre elles, une femme dont le visage était divisé en deux, une partie défigurée et l’autre intacte. Elle avait les yeux fermés.

C’est à ce moment-là, que j’eus l’idée de photographier (en argentique) les participants de l’atelier les yeux fermés, devenus à leur tour des victimes, victimes de mon appareil photo.

Puis, il y eut le 13 novembre, l’actualité s’est imposée dans notre recherche. Nous étions effrayés par les témoignages des rescapés, par le plaisir de tuer que les terroristes du Bataclan semblaient avoir éprouvé.

De mon côté, j’avais développé les premières pellicules et j’étais peu satisfait du résultat, de la lumière plate de l’université où nous travaillions.

J’ai recommencé à photographier d’autres visages avec les yeux fermés, toujours en me focalisant sur la lumière, tantôt enveloppante, tantôt violente et tranchante. Évidemment, je sollicitais mon entourage.

Après quelques temps, je me rendis compte que je photographiais en grande partie des artistes, des créatifs, notre génération mais pas que… Conscient de la tournure que prenait le projet, et leur demander de fermer les yeux prenait une signification toute autre. Initialement je voulais recréer une série de portraits de «victimes», à présent je souhaitais dévoiler la fragilité de mes modèles.

La photo n’était prise qu’après une attente, un instant de réflexion, de questionnement, d’abandon, de flottement introspectif tant pour le modèle que pour moi. Les artistes que j’ai photographiés utilisent leur fragilité pour créer, et c’est ce que je cherchais et que j’ai trouvé. Leur fragilité comme réponse à cet acte qui a bouleversé notre société le 13 novembre 2015.

L’autre thématique qui m’est apparue évidente dans cette histoire c’ést la place du hasard. J’ai toujours eu un rapport privilégié avec le hasard, et le défie toujours. N’importe qui parmi nous aurait pu se trouver dans la rue Bichât, n’importe qui parmi nous aurait pu perdre la vie.

J’ai beaucoup réfléchi au fait que si je suis encore là c’est aussi à cause d’une heureuse coïncidence. Je voulais alors que mes photos soient aussi le fruit d’une heureuse coïncidence, et pour cela j’ai défié le hasard en prenant, juste trois, maximum quatre clichés par portrait.

Je n’ai pas travaillé en studio mais de chez moi, ou en allant à la rencontre des artistes, sur leur lieu de travail. J’ai façonné la lumière de manière artisanale, en utilisant ce que j’avais sur place, ce que la situation m’offrait. Sans rien préparer au préalable (sinon les images dans ma tête) j’ai tenté jusqu’au bout cette idée d’heureuse coïncidence.

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